Le film 50.000.000 can’t be wrong (50 millions de personnes ne peuvent pas se tromper), réalisé en 2006, illustre parfaitement la démarche de l’artiste. Le titre est emprunté à un album d’Elvis Presley sorti en 1959 qui révèle la stratégie marketing orchestrée par son impresario, le Colonel Parker. Les images remarquablement cadencées proviennent d’archives qui montrent les fans du « King » et le phénomène de totale hystérie qui l’a entouré.
Les scènes de foule sont entrecoupées de gros plans sur des visages féminins sans qu'à aucun moment n'apparaisse la figure d’Elvis. Le contenu des photographies, pancartes et slogans arborés par les groupies a été minutieusement effacé afin d’entretenir un mystère quant à la nature de cette effervescence. L’objet du désir est hors-champ, seul le titre fait référence au chanteur.
Le propos du film dépasse la personnalité d’Elvis pour scruter les gestes et les expressions d’une ferveur collective. L’intensité dramatique des images est renforcée par la bande-son réalisée par Steven Trafford. Elle porte la célébration des foules en délire à son paroxysme en augmentant sa puissance crescendo tout en laissant ponctuellement la place aux cris scandés par les fans. Le son participe aussi à l’étrangeté globale de l’œuvre qui met en doute la perception que l’on a du réel.
Susanne Bürner offre avec ce film une esthétique, une intensité et un regard à la fois nuancé et complexe sur ce phénomène de communion collective dont les fans d’Elvis Presley sont le parfait exemple. Cette fascination d’une foule pour un seul homme renvoie également à des rassemblements partisans dont le délire peut constituer une véritable menace à la démocratie.