Aimé Ntakiyica est né au Burundi. Il arrive en Belgique à l’âge de trois ans. En 1985, il est diplômé de l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles. Il a suivi le cours de peinture d’André Ruelle mais il garde essentiellement de cet apprentissage traditionnel les visites de musées organisées par ses assistants (Félix Hannaert et Aïda Kazarian) qui lui « ouvrent les yeux » sur de nombreuses démarches artistiques. Après ses études, il enseigne pendant une année académique (1985-1986) le croquis et le dessin à l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa où il est également maître de conférences en esthétique. L’artiste s’est libéré d’un rapport classique à la peinture en introduisant dans sa démarche un travail sur l’origine de la peinture.
Sur des toiles rectangulaires très étroites, placées à la verticale, il saupoudre des pigments. Une manière d’affirmer la structure de la peinture, c’est-à-dire le pigment auquel il offre une totale liberté et dont il apprécie l’impossibilité de contrôler la manière dont celui-ci se déploie sur la toile. L’artiste explique que c’est le regard des autres qu’il l’a poussé à renouer avec ses origines. Ainsi la gamme chromatique utilisée, le brun et le rouge, renvoie à la couleur de nombreuses routes en Afrique. Poussé à s’interroger sur son identité, il établit un parallèle entre la peinture et l’écriture alors que le pigment devient le corollaire de la parole.
Il entreprend alors d’importants travaux centrés sur l’arbre à palabres. Ses toiles allongées deviennent métaphoriquement des troncs d’arbres où le pigment peut s’exprimer librement. La nouvelle orientation que prend sa démarche pousse Aimé Ntakiyica à se libérer du cadre de la toile en introduisant le rapport à l’espace par le biais d’installations. L’artiste use de nombreux médias qu’il choisit en fonction du propos de l’œuvre et s’adonne également à la performance. La master pièce de l’artiste, exposée dans le monde entier, est une série d’affiches intitulée « Wir » (2001) dans laquelle l’artiste se photographie vêtu de costumes folkloriques européens. En arborant la traditionnelle tenue écossaise, tyrolienne et celle du torero, il prend des poses qui parodient la statuaire africaine ou qui rappellent l’iconographie égyptienne ancienne. En s’appropriant des clichés, il établit un transfert identitaire et propose une réflexion sur le métissage et les comportements ethnoculturels tout en interrogeant le territoire de l’art contemporain. Il va, dans le prolongement de cette réflexion, initié la série « Le Monde est ma maison» (2000) qu’il conçoit comme une réponse à la globalisation. Les lieux où il déploie les installations de cette série deviennent son pays dans la mesure où il se sent bien dans ces endroits élargissant ainsi les frontières de l’identité au monde et non à un pays d’origine. En 2013, Aimé Ntakiyica a renoué avec la toile sur laquelle il place des éléments (punaises, miniatures de voitures, câbles téléphoniques, etc.) récupérés traduisant toujours une volonté d’aborder de façon humoristique le rapport à l’ailleurs à « chez soi ». Parallèlement à son activité artistique, il travaille comme régisseur dans le cinéma.