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Anita Molinero1953 (FR)

Issue de l’École supérieure des Beaux-Arts de Marseille, Anita Molinero a toujours refusé le décoratif, le beau, les catégories constitutives de l’art dit « classique » et de se déclarer « sculptrice ». Depuis ses débuts, elle compose des objets à partir de rebuts choisis pour leur matérialité grossière et leur état d’abandon. Non pas dans le but de mettre en avant la beauté de l’objet trouvé comme les Nouveaux Réalistes l’ont fait avant elle, ni pour transfigurer des matériaux ordinaires devenus dérisoires, mais en acceptant toute la brutalité de l’objet jeté pour ce qu’il est – un sac poubelle, de la mousse de matelas, des bouteilles en plastique, un fer à béton, etc. – sans essayer de le sacraliser ou d’y ajouter une charge symbolique.

Ses premiers travaux, réalisés dans les années 1980, sont des accumulations, de petites dimensions, d’objets issus de la fabrication industrielle dont elle fait ressortir l’aspect sculptural. Cartons, bidons en plastique, verres, mousse de matelas, film étirable, filets de pêche sont arrangés, pliés, attachés, posés sans aucune technicité mais par des gestes simples, voire insignifiants. Aujourd’hui, la plupart de ces travaux n’existent plus. Ils ont été disloqués, détruits ou réutilisés dans d’autres œuvres. La notion de recyclage a toujours été importante dans la démarche d’Anita Molinero... Les sculptures que l’artiste juge « ratées » redeviennent du matériel pour une autre œuvre. Idem pour les sculptures qui ne peuvent être stockées, achetées ou exposées. Ainsi, une œuvre achevée peut en fait en contenir deux ou trois autres qui l’ont précédées. Ou admettre plusieurs versions. Ou encore se décomposer en plusieurs autres œuvres de plus petites dimensions. Cette démarche peu commune, qui fait de son travail une œuvre en chantier permanent et remet en question les concepts de pérennité et d’intemporalité de l’art que certains jugeraient obscène, témoigne, pour l’artiste, de la précarité du monde.

Vers 1995, Anita Molinero adjoint à sa pratique la puissance d’outils mécaniques, dont le pistolet chauffant. Les matériaux bruts, à base de pétrole, prennent une place de plus en plus importante dans son travail (le plastique, la mousse de polyuréthane et les emballages de polystyrène), ses œuvres deviennent plus monumentales et son rapport à la sculpture plus physique. Elle brûle la matière, la lacère, la découpe à la scie sauteuse, la transforme par la force, par la peinture, etc. pour faire émerger une œuvre chaotique, exubérante et instable aux couleurs criardes. Entre abstraction et anthropomorphisme, ses œuvres interrogent le statut de l’objet industriel à l’ère post-Tchernobyl et le caractère toxique de ces composés plastiques dont notre monde est inondé.

Anita Molinero travaille ces objets et rebus de manière irréversible tout en veillant à s’arrêter juste avant leur désintégration ; avant que les objets ne deviennent méconnaissables. Les poubelles, les parpaings, le polystyrène extrudé, l’acrylique,… évoquent des cités délabrées, une société déformée par son trop plein de consommation. Les matériaux fondent, rouillent, se déchirent et se désagrègent comme si une maladie monstrueuse les détruisait de l’intérieur.