Inquiétante, souvent agressive, l’œuvre d’Anita Molinero s’inscrit dans un registre urbain et industriel influencé par l’histoire de l’art et le cinéma de science-fiction. Au début des années 1990, l’artiste rencontre le cinéma d’effets spéciaux avec Terminator 2 : Le Jugement Dernier. Le générique d’ouverture du film de James Cameron, sorti en 1991, montre des balançoires, des petits chevaux à ressorts et d’autres jeux d’enfants ravagés par les flammes. Anita Molinero avoue avoir été particulièrement influencée par le T-1000, un super androïde capable de se liquéfier et de se reformer à l’envi, dont elle trouve des accointances avec sa manière de travailler ses objets-sculptures en les faisant muter d’état solide à liquide et inversement.
Son œuvre TINA est constituée d’une grosse chaîne soudée et d’anneaux de rideau de douche semblant former un corps qui porte un vêtement féminin en peau animale. Elle évoque Aunty Entity, la dirigeante impitoyable d’une civilisation post-apocalyptique jouée par Tina Turner dans Mad Max : Beyond Thunderdome (1985). Film culte à l’ambiance sombre et désertique reprenant les codes du western pour explorer la noirceur humaine, Mad Max dépeint le fonctionnement d’une ville qui ne dépend plus de l’utilisation du pétrole mais de la consommation de fumier de cochons travaillé par des petites mains punies pour des méfaits mineurs. Faisant régner sa loi et son pouvoir sur ce monde, Aunty Entity est habillée d’un amalgame soudé de muselières de chien, de cintres et de grillage à poule, le tout recouvert de tabliers en cotte de mailles étincelantes.
Out of the ruins Out from the wreckage Can't make the same mistake this time We are the children The last generation (the last generation, generation) We are the ones they left behind And, I wonder when we are ever gonna change, change Living under the fear, 'til nothing else remains We don't need another hero
sont les premières phrases de la bande originale du film, interprétée par Tina Turner. Le titre, We don’t need another hero, sera repris deux ans plus tard par l’artiste Barbara Kruger[1], dans une œuvre montrant une petite fille intriguée par le biceps contracté d’un petit garçon à l’air fier. TINA est également l’acronyme du célèbre slogan politique “ There Is No Alternative ”. Il convoque une autre dirigeante controversée, intransigeante et intraitable : Margaret Thatcher. Le message de l’œuvre est-il fataliste et résigné ou cherche-t-il justement à nous montrer que des alternatives au capitalisme et à la pensée unique existe ? Si aucune prétention moralisatrice ne se cache derrière les œuvres d’Anita Molinero, c’est sans détour que l’artiste ramène la sculpture à ses instincts primaires, loin d’un académisme « classique » et fait jaillir, sans trucages, toute la violence du monde dans un fracas de tôle et de chaines.
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[1] Artiste plasticienne née en 1945 aux Etats-Unis, Barbara Kruger est connue pour ses photomontages limités à trois couleurs (rouge, noir et blanc) quiu questionne l’autorité blanche et masculine, et les stéréotypes de genre véhiculés par les médias.