Patrick Everaert réalise des tirages photographiques, à partir d’images puisées dans des magazines et retravaillées ensuite par ordinateur. Si ses œuvres semblent concrétiser des impossibilités visuelles que n’aurait pas reniées René Magritte, le surréalisme n’est évidemment pas la seule référence possible pour appréhender le travail de Patrick Everaert. Ce dernier refuse d’ailleurs de céder à la brutalité de cette « esthétique du fragment et du choc » (expression de la critique Dominique Baqué), propre aux collages et aux photomontages surréalistes ou dadaïstes et dont Magritte peut apparaître comme l’héritier ; tout comme il s’inscrit à l’opposé de la surenchère affective ou provocatrice qu’autorisent aujourd’hui les nouvelles technologies de traitement numérique de l’image.
La littérature, et particulièrement les auteurs qui ont détruit les codes de construction narrative (L. Sterne, J. Joyce, etc.), le cinéma, l’histoire de l’art, la photographie, etc., sans omettre les « grilles » traditionnelles comme la sémiologie, la psychanalyse, etc., sont autant de pistes qui permettent d’entrer dans son œuvre, sans pour autant l’épuiser. Patrick Everaert s’efforce en effet de maintenir en permanence, dans ses œuvres, un noyau inviolable, une « terra incognita » qui résiste à l’appréhension et maintient actif son pouvoir de fascination. Le temps est une notion essentielle de son travail, tant pour la réalisation des œuvres que pour leur appréciation future. « Mes œuvres, explique-t-il, exigent du temps, à différents égards. » Le temps de les créer, puis de les éprouver dans le silence de « l’atelier » (en fait, un bureau avec un ordinateur), enfin de les voir dans une exposition et d’essayer d’en mesurer toute la portée.
De la sorte, Patrick Everaert impose un véritable « exercice » du regard, qui s’oppose au sensationnalisme publicitaire ou à la réduction simplificatrice du slogan. En 1992 déjà, Anne Wauters écrivait, dans la revue française ArtPress : « Même lorsque leurs composantes sont évidentes, ses images ne se laissent pas lire directement, nécessitant un temps de déchiffrement qui dépasse largement leurs matériaux de base ; c’est-à-dire une photographie « immédiatement » consommable tel qu’il en est fait usage dans les médias. » Depuis, son travail n’a cessé de s’épaissir, refusant délibérément toute solution évidente aux spectateurs.
Ses œuvres ouvrent la voie à une réflexion, à la fois poétique et critique, sur ce monde abondant d’images qui est le nôtre.