Acceptez-vous l'utilisation de cookies pour vous assurer une meilleure expérience sur notre site web ?

Voir plus
Hans BELLMER La poupée

Hans BellmerLa poupée, 1937 (POL) -1949 (FR)

RetourDétails
Scroll down button

Hans BellmerLa poupée, 1937 (POL) -1949 (FR)

L’invention de La Poupée (un mannequin féminin en pièces détachées susceptible de prendre des attitudes ou de subir des contorsions inhabituelles) va permettre à Hans Bellmer d’affirmer une révolte sociale, prolongement du refus de l’autorité paternelle, et un érotisme violent qui restera la caractéristique de son œuvre. En 1934, Hans Bellmer publie à compte d’auteur un texte, Die Puppe, accompagné de documents photographiques montrant La Poupée mise en scène ou dans différents moments de sa fabrication. Aussitôt, les surréalistes de Paris, mesurant le caractère totalement subversif de cette « mineure articulée », comme la nomme Hans Bellmer, en reproduisent 18 clichés dans le numéro 6 de la revue Minotaure. Stimulé par cette adoption au sein du mouvement surréaliste, Hans Bellmer construit une seconde poupée équipée de sa « jointure à boule » dont les mises en scène accentuent l’ambiguïté sexuelle et le caractère érotique ; puis des sculptures-objets dont la plus importante est La Mitrailleuse en état de grâce.

En 1938, fuyant l’Allemagne nazie, Bellmer s’installe à Paris. Il réalise de nouveaux tirages qu’il rehausse à la main de couleurs acides à la manière des photographies pornographiques de l’époque. Ces dernières inspireront à Paul Eluard 14 poèmes en prose publiés dans un ouvrage illustré en 1949, Les Jeux de la Poupée. Pendant la guerre, Hans Bellmer se réfugie dans le Midi où il assure sa subsistance avec des portraits tout en continuant son œuvre personnelle. Il illustre Sade, Baudelaire et son travail graphique (pointe sèche, eau-forte, etc.) qui apparaît dans des dessins miniatures sur des carnets quadrillés, exalte l’érotisme. En 1957, il écrit un texte théorique, Petite théorie de l’inconscient physique ou l’anatomie de l’image dans lequel il s’analyse lui-même et commente les obsessions qui ont présidé à la confection de La Poupée. De retour à Paris, il expose discrètement jusqu’à l’Exposition inteRnatiOnale du Surréalisme (EROS) où ses œuvres de grands formats, reprenant inlassablement les mêmes images jusqu’à trouver l’ajustement parfait, connaissent un grand succès. Des expositions rétrospectives s’ensuivent en Europe et aux Etats-Unis. Hans Bellmer termine sa vie en France où il se consacre essentiellement à son travail de gravure.

La photographie appartenant à la collection de la Province de Hainaut présente le corps de La Poupée lié à un arbre qui lui sert de support, à la manière d’un tuteur botanique. Elle trouve un prolongement dans l’arbre et les branches qui lui procurent les preuves d’une existence réelle et objective. Les couleurs aux tons pastel, soigneusement passées en grands aplats, accentuent pourtant une mise à distance par rapport à la réalité et contribuent à créer une atmosphère de conte pour adultes pervers. Cette figure duelle incarne des pulsions fondamentales et contraires (désir et mort, merveilleux et cruauté, quotidienneté et invraisemblance).

Ni objet ni sculpture, La Poupée se constitue en organisme hybride, polymorphe et en instrument manipulable et transformable à l’infini ; le thème de la métamorphose du corps (par dédoublement, multiplication, scission, fusion) constituant le langage plastique de l’artiste. Donnant une forme physiologique à un répertoire d’émotions, de pulsions inconscientes et de désirs profondément refoulés, l’œuvre de Bellmer apparaît comme la version visuelle des idées de Freud et Lacan. Restée éminemment transgressive aujourd’hui où érotisme et pornographie ne connaissent pourtant pas de limites, La Poupée est devenue une icône, motif surréaliste par excellence, ouvrant la voie à une réflexion très actuelle sur les principes d’identité et de transgression.