À partir de 1971, à l’occasion de séjours prolongés à Kaboul, Alighiero Boetti approche la pensée et la culture matérielles afghanes et fait intervenir, dans son processus de réalisation de l’œuvre, des artisanes locales, qui transforment ses opérations conceptuelles en broderies multicolores. Les tapisseries de l’artiste combinent de manière originale, ludique et intrigante le haut et le bas, le concept et la technique, des chiffres et des mots, des symboles et des significations, des lieux géographiques et des grilles symétriques.
Lorsqu’en 1979, l’URSS envahit l’Afghanistan, Alighiero Boetti continue de travailler avec des Afghans exilés dans des villes à la frontalière du Pakistan. Il en apprend davantage sur les moudjahidines ("guerriers saints") et leurs activités de lutte contre les Soviétiques. Une série de mots et de textes en persan ont été composés par les collaborateurs de Boetti. Ces textes expriment la nostalgie d’un Afghanistan perdu et le désir de mener un djihad pour libérer le pays. En italien, les textes se lisent verticalement par 4 lettres. Tous ces carrés structurés, répétés, convoquent le minimalisme, le carré magique de Dürer mais aussi l’alchimie, le chamanisme et la kabbale. Il y a là de la comptine, de la virelangue, du jeu de logique qui devient illogique... Alighiero Boetti y évoque le croisement et le mélange des cultures comme des spiritualités. Suggérant un entrelacement de voix, l’italien et le persan s’entremêlent pour refléter le sort du pays.