Willi Filz a composé cette série quelque dix ans avant la guerre civile qui, depuis 2011, ravage la Syrie. L’artiste visait à l’époque de sa réalisation à y cerner l’humain dans la diversité, en dehors de tout jugement. Il souhaitait prendre le portrait d’une société sans y apposer de propos politique. L’œuvre se charge aujourd’hui d’un poids supplémentaire...
Le travail de Filz oscille entre engagement et retrait. Cette ambivalence colle parfois à son œuvre pour des raisons imprévues, comme dans le cas de cette série syrienne.
En couleurs et imprimées en format moyen (85 x 70 cm), les photographies ont été prises de face, parfois en pied, parfois en buste. La prise de vue est en légère contre-plongée, si bien que le regard du sujet semble glisser naturellement vers l’appareil et, au-delà, vers le spectateur. Le fond est flou, les figures sont nettes. Les spécificités de chacun des individus sont mises en lumière. L’acte photographique est totalement assumé : plutôt qu’une confrontation, Filz propose une rencontre avec le sujet.
Aucun tirage n’est titré. Une indication sommaire, entre parenthèses, telle que « Souffi » ou « Jeune femme au pull bleu », sert de repère purement pratique et non d’indication contextuelle. Si les spécificités de chacun sont mises en valeur, la répétition systématique d’un même processus de prise de vue et l’absence de titre personnalisé réunit les sujets sans distinction. La série semble dès lors constituer un portrait global. En accumulant méthodiquement les particularités de la société, Filz parvient à tirer de celle-ci une image relativement stable, continue. Le sentiment identitaire qui se dégage de son œuvre outrepasse les frontières politiques ou culturelles : l’impression d’humanité, seule, demeure, comme un réflexe d’espèce.