Pratiquant la peinture, la sculpture, la vidéo et l’installation, Latifa Echakhch travaille, le plus souvent, avec des objets facilement identifiables, investis d’une charge domestique et/ou sociale, qu’elle détruit, efface ou recouvre, poussant dans l’oubli ce qu’ils étaient pour rendre possible une lecture différente et forcer la mémoire à leur donner un sens nouveau, une seconde vie et poser la question du patrimoine et de son héritage. Dans ses installations, l’artiste occulte systématiquement la présence des corps, au profit des traces que ceux-ci ont laissées. Comme ce rideau de théâtre réalisé, lors de son exposition au BPS22 (2020), à partir de ses souvenirs personnels.
En partie suspendu, en partie abandonné au sol, il semble être le dernier fantôme d’un spectacle qui vient de s’achever. A moins qu’il ne montre les coulisses d’un évènement prêt à débuter ou déjà terminé ? Entre les plis de la toile, le haut-fourneau n°4 de Carsid à Marcinelle, représenté dans la lumière de l’aube, donne le sentiment d’une catastrophe qui a amené à son effondrement. Ce point de non-retour modifie en profondeur le sujet, le fait vaciller, le reconfigure. Il évoque les luttes perdues, les espoirs brisés. Dans une société qui valorise la durée déterminée, l’adaptabilité, la flexibilité, où l’on peut plier mais où l’on ne rompt pas, Latifa Echakhch nous rappelle que notre vie n’est qu’une vertigineuse dépossession.