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Art & Language1968 (GB)

Bien que certaines œuvres soient datées d’une époque antérieure¹, le groupe Art & Language se forme officiellement en mai 1968, à Coventry (GB). Il se compose de Terry Atkinson, David Bainbridge, Michael Baldwin et Harold Hurell auxquels se joignent de nombreux artistes dont Joseph Kosuth, Ian Burn, Mel Ramsden, Philip Pilkington, David Rushton et Charles Harrison. Dès 1969, le groupe publie aux Etats-Unis Le journal Art & Language dont le premier éditorial (non signé) conteste la notion d’auteur. Au travers d’une vingtaine de numéros, les artistes interrogent les notions d’anonymat, de signature, de neutralité, mais également la nature sociale et politique de l’œuvre d’art.

Considérés comme les conceptuels les plus radicaux, ils abordent leur pratique de façon collective et anonyme et conçoivent l’œuvre d’art comme une stratégie critique. L’activité du groupe se base sur une recherche des relations entre théorie et pratiques artistiques. Ils s’intéressent ainsi au matérialisme historique de Karl Marx, aux théories de la communication de Marshall McLuhan, à la philosophie du langage développée par Ludwig Wittgenstein, tout en développant une réflexion sur les diverses formes de l’œuvre d’art. Dans la lignée de Marcel Duchamp, l’objet devient art lorsqu’il est intégré dans un contexte artistique. Ainsi, l’utilisation du langage du monde de l’art suffit à faire art. Plusieurs œuvres sont des textes annotés dont le point d’orgue est l’installation « Index 01 » de 1971, présentée à La Documenta 5 de Kassel (DE) et composée de plus de 300 textes du groupe placés dans des dispositifs de classement sur des socles. Art & Language peut se définir comme "un art gang, mixte de théoricisme philosophico-politique et d’humour teinté d’ironie (…) [avec] un parfum de scandale"2.

A la fin des années 70, Terry Atkinson quitte le groupe qui connait de nombreux changements. Depuis lors, seuls Michael Baldwin et Mel Ramsden poursuivent le projet d’Art & Language. En 1977, ils amorcent un revirement en introduisant dans leurs recherches la pratique picturale en atelier. Le fonctionnement de l’art et son caractère social restent néanmoins les préoccupations centrales au sein desquelles l’institution muséale est critiquée.

En utilisant le medium pictural pour interroger la discipline, Art & Language va notamment aborder des genres comme le portrait ou le paysage. Le dispositif de l’œuvre offre une grille conceptuelle à partir de laquelle une nouvelle lecture de toute l’histoire de l’art peut être opérée.

L’ironie critique d’Art & Language se prolonge dans Atelier des artistes peints à la bouche (1982) où le regard condescendant vis-à-vis de ces praticiens amateurs vient renforcer l’analyse du monde artistique. Comme l’explique Mel Ramsden³, le groupe tente de mettre en œuvre différents types de représentation : la parodie, l’insinuation, la copie, le bluff, le jeu, etc. afin de mettre à jour les rouages de la scène artistique


1. Comme de nombreuses autres œuvres, les Secret Paintings de Mel Ramsden ont été réalisées en 1967 et sont inscrites dans le corpus d’œuvres d’Art & Language.
2. GAUTHIER, Michel, « Les Etats du secret », in : ART & LANGUAGE. too dark to read. Motifs rétrospectifs 2002-1965. Villeneuve d’Ascq, Musée d’art moderne, 2002, p.10.
3. RAMSDEN, Mel, « Conversation entre Michael Baldwin, Mel Ramsden et Joëlle Pijaudier-Cabot », in : op.cit., p.198.