Andres Serrano doit son succès à des photos aux thèmes provocateurs (mort, sexualité, religion). Le choc provient de la confrontation entre la beauté de l’image et la dureté du thème choisi. La perfection formelle de l’image en ferait presque oublier son contenu, si la violence de celui-ci ne surgissait avec force.
En 1992, Andres Serrano fréquente une morgue new-yorkaise et photographie les corps qui y sont entreposés. Loin de tout voyeurisme ou photographie de reportage, l’artiste ne montre pas des personnes mais la mort dans sa dimension humaine et universelle. Dans sa série The Morgue, jamais un corps n’est montré en entier. Ce sont toujours des détails (bras, torse, pied, …). Si le visage est au centre de l’image, le regard est recouvert d’un drap. Pour les différencier, Andres Serrano se contente d’indiquer la cause du décès (pneumonie infectieuse, suicide par mort au rat, mort par le feu, …). Et si certaines images sont violentes, sanglantes ou insupportables, il n’y a aucun pathos. Rien de gris, de terne ou de froid dans ses photographies. Au contraire, très influencé par la peinture classique, Andres Serrano recherche avant tout la beauté plastique. Effets de couleurs (rouge, blanc et violet appartenant au registre catholique), drapés et clairs-obscurs sur fonds noirs rappellent les Fragments anatomiques de Géricault, La leçon d’anatomie du Docteur Tulp de Rembrandt, les chairs à vif de Francis Bacon ou encore les esquisses clandestines de Léonard de Vinci qui déterrait les corps fraîchement mis en terre.
Le rapport au religieux est également présent. Dans le pied isolé de Rat Poison Suicide II, sous la longue et élégante veine bleue qui court sous la peau, une blessure nette où brille le sang d’un rouge écarlate apparaît comme un énigmatique stigmate. Enfin, la gêne et la fascination provoquées par ses images renvoient au Memento Mori, méditation philosophique sur la mort dans la tradition chrétienne.